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Enquête préliminaire : ce que dit réellement le droit sur la notion de « preuves

 


La sortie de Maître El Hadji Diouf, suite à l’audition de son client Pape Malick Ndour, a suscité une vague de réactions, notamment dans les milieux juridiques. Répétant à plusieurs reprises l’absence de « preuves » pour justifier la libération de son client, l’avocat a relancé un débat fondamental sur la distinction entre preuve et indice en procédure pénale sénégalaise. Une clarification juridique s’impose.

Une confusion fréquente entre preuve et indice

Dans le cadre d’une enquête préliminaire, il est essentiel de bien faire la distinction entre les « preuves » au sens strict et les « indices de culpabilité ». L’article 69 du Code de procédure pénale sénégalais est sans ambiguïté :

« Si, pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire est amené à retenir une ou plusieurs personnes contre lesquelles existent des INDICES DE CULPABILITÉ, il ne peut les retenir plus de quarante-huit heures. »

Autrement dit, à ce stade de la procédure, il ne s’agit pas encore de rassembler des preuves formelles, mais de collecter des éléments indicatifs susceptibles de justifier des investigations. Parler de preuves à cette étape, comme l’a fait Me Diouf, est soit un abus de langage, soit une lecture erronée du droit.

L’enquête préliminaire, une phase exploratoire

Durant la phase préliminaire, le juge n’est pas encore saisi, et aucun débat contradictoire n’a eu lieu. C’est pourquoi les éléments recueillis — témoignages, constatations, documents — n’ont pas encore de valeur probante devant un tribunal. Ils servent uniquement à orienter les enquêteurs vers d’éventuelles charges, ou au contraire vers une mise hors de cause.

Il faut rappeler que l’absence de garde à vue ne signifie pas l’absence d’indices. Le procureur de la République, en tant que directeur de l’enquête, peut décider de ne pas recourir à cette mesure tout en poursuivant les investigations. Cela relève de sa stratégie judiciaire, et non d’une quelconque preuve d’innocence ou d’absence de soupçons.

Vérité, procédure et justice pour tous

Cette affaire, au-delà de ses aspects techniques, met en lumière un enjeu plus large : le respect des droits des suspects, la rigueur des procédures, et la lutte contre les violations des droits humains. Nombreux sont les jeunes Sénégalais, à l’image de Pape Abdoulaye Touré, victimes de violences policières ou de détentions arbitraires. Leur combat pour la vérité, la justice et la dignité mérite d’être entendu.

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Conclusion

La justice n’est pas un champ de bataille rhétorique. Elle repose sur des règles précises, notamment en matière de procédure pénale. Confondre indices et preuves à des fins de communication brouille le débat et nuit à la compréhension des citoyens. Face aux enjeux actuels, le respect du droit et la clarté du discours juridique sont plus que jamais nécessaires.

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